Ils
l’attendaient. Autant l’un que l’autre.
Ce
moment, comme tous les autres étaient marqué de l’atypisme de leur relation. Ils
avaient appris à se découvrir au fil des échanges. Alternant les moments de
plaisanterie complice et d’autres moments plus crus. Lui autorisant le
tutoiement et lui promettant d’autres plaisirs soi-disant refusés « traditionnellement »
aux soumises, si un jour elle le devenait. Ces moments atypiques qui ne les empêchaient
pas de reprendre chacun leur place quand la nuit était tombée et que les voix
se faisaient parfois halètements au téléphone.
Ce n’était
même pas une volonté délibérée de casser les règles mais un état de fait. Il
était ainsi. Pouvant être rigoriste sur certains points et se moquer
délibérément d’une certaine étiquette
tant que chacun y trouvait son compte.
Ce
moment ce rapprochait donc. Moment de vérité où il ne s’agit plus de mots ou de
récits, plus de promesses et d’envies échangées mais simplement de deux regards
qui se croisent enfin, de deux corps qui se frôlent et se cherchent. Moment où
les pièces du puzzle finissent par s’assembler et où l’autre prend toute sa
dimension.
Un
quai de gare un vendredi soir. Serait-elle dans le train ? Serait-il sur
le quai ? Un doute semblait subsister jusqu’à la dernière seconde. Les
rames s’immobilisent finalement sur la voie 8, la foule se dissipe. Plus de
doutes possibles. C’est bien elle et c’est bien lui.
Aucuns
mots échangés. Aucun besoin de se dire bonsoir. Aucun autre besoin que celui de
la serrer contre lui. Son sac tombe machinalement sur le sol. Ses seins
viennent s’écraser contre sa poitrine. Elle sent une moiteur s’emparer de son
entrecuisse. Elle ne l’avait éprouvée jusqu’alors que lors de quelques appels
nocturnes et a l’impression qu’elle se décuple dans ses bras. Elle ferme les
yeux car connait la suite. Elle entrouvre sa bouche et sent sa langue qui entre
en elle. Ce baiser, prendre sa bouche, il lui avait promis dès le début. Même
pas promis d’ailleurs tellement ça lui apparaissait comme une évidence le jour
où ils se rencontreraient. Une des premières « règles » transgressées…
Quelques
instants après, toujours sans oser presque échanger le moindre mot, ils
marchent vers sa voiture. Elle sait qu’elle ne dînera pas ce soir, du moins pas
de nourritures habituelles. Le temps leur est tellement compté que chaque
instant est précieux. Ils ne disposent que de quelques heures là où il leur
aurait fallu plusieurs jours, alors autant aller à l’essentiel.
Elle
le tutoie quand il lui demande si elle a fait bon voyage. Autre transgression
des règles qu’il affectionnait. Elle sait qu’il ne s’agit que d’une parenthèse
spécialement autorisée et que le vouvoiement reviendra de lui-même dans les
minutes à venir. Le code qu’il lui avait prescrit était clair : au moment
où elle accepterait de monter dans sa voiture elle accepterait également la
suite des évènements et de sa condition.
Bien
sûr il y aurait une demande en bonne et due forme, bien sûr il y aurait les
différentes étapes de son noviciat, bien sûr il lui répondrait et lui avais
déjà décrit le moment où elle sentirait jusque dans sa chair la façon dont il
scellerait leur accord.
Elle
savait pourtant que ce ne serait pas dans une chambre que les choses se
décideraient et se mettraient en place mais bien au moment où elle accepterait
de monter dans cette voiture. Elle était encore libre de prendre un taxi ou le
RER pour rejoindre son amie au moment où la portière s’ouvrait devant elle.
Le
claquement qui suivit son installation sur le siège passager résonnait dans sa
tête non comme celui d’une portière mais comme le martellement d’une attache
scellant un pacte.
La voiture
roulait dans la nuit vers la sortie de Paris. La discussion était anodine mais chacune
de ses respirations semblait un frémissement.
Une
fois la porte de la chambre refermée, la confrontation finale allait commencer.
Il lui serait encore possible de revenir en arrière, il lui avait promis.
Elle
savait qu’il était déjà trop tard…
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