Je n’ai jamais été scout. Ce n’était pas
dans les traditions ou la culture familiale et au cours de l’adolescence je
n’étais pas convaincu car trouvais que ce n’était qu'une succédanée d’un encadrement
militaire qui me rebutait fortement. Cette volonté d’indépendance, déjà, bien
avant le serment. De toute façon, je pense que c’est quelque chose que l’on doit
commencer très jeune si on veut que la greffe prenne. C’était aussi à l’époque du
service militaire obligatoire et des certitudes adolescentes. Avant que l’âge
et d’autres idées ne viennent chambouler ces certitudes. Parmi d’autres choses,
la carte d’identité militaire glissée dans mon portefeuille en témoigne.
Je pouvais au moins constater que ce
mouvement inculquait un bon esprit et créait une cohésion chez ses membres qui
perdurait dans le temps et au-delà des rendez-vous ponctuels des
« camps ». Comme la plupart du grand public, je ne connaissais
surtout que les grandes lignes du scoutisme et surtout son slogan :
« toujours prêt ». Il est resté présent dans mon esprit, adapté au
gré des humeurs et envies.
Je continue d’aimer cette idée d’être
« toujours prêt ». Maurice Leblanc la développe très bien dans le formidable événement, où son héros se
prépare physiquement et intellectuellement. Il ne sait pas très bien à quoi
mais pressent que quelque chose d’important va arriver et qu’il faut se tenir
prêt. Les événements arrivent et lui donnent raison.
Cette trame m’a beaucoup inspiré et
j’essaie de la maintenir dans différents domaines. Celui qui me fait écrire ces
lignes en est un. Retrouver cette idée de préparation physique et
intellectuelle. Physique en ayant repris l’entrainement sportif à un niveau
plus soutenu que celui imposé par le golf et intellectuel en réfléchissant à
des scénarios ou à ma « philosophie » de la domination.
« Toujours prêt », au travers également
des réflexions sur le matériel nécessaire à mon inclinaison, constitué en quelques
instruments choisis pour une rencontre ou plus encore pour mettre en œuvre les
idées qui me passent par la tête au fil des échanges et rencontres quotidiens.
C’est ainsi que j’ai profité récemment
des derniers jours des soldes pour compléter mon équipement, en faisant l’acquisition
de pinces avec des chaines. Le modèle « Japonix » plus précisément,
étant par ailleurs bien en peine d’expliquer l’origine de ce nom… C’est un
modèle des plus répandu et des plus classiques. On le voit un peu partout. Pour
autant, j’aime leur esthétisme autant que les idées d’utilisation que l’on peut
en faire : en tant que simples pinces, pour y suspendre des poids ou des
objets, pour tracter ou indiquer le chemin à quelqu’un, pour attacher et rendre
une éventuelle évasion relativement douloureuse.
La commande est passée. Elle arrivera
bientôt dans ma boite aux lettres sous « pli discret » et ira
rejoindre d’autres éléments de douce violence dans leur sac noir. Un peu à la
manière d’un médecin qui pourrait préparer sa trousse avant de partir pour ses
visites. Nulle visite n’est programmée dans les jours à venir, mais en
attendant elles auront au moins le mérite de stimuler mon imagination et me
permettre de bleuir quelques lignes de plus de mon cahier d’inspiration et de compte-rendu,
enfer très personnel de ma bibliothèque.
Elles sortiront également moins souvent
de ce sac noir car on sait que l’utilisation de ce type d’instrument est largement
redoutée, surtout ces modèles qui ne sont pas « progressifs » et
mordent les chairs impitoyablement. Leur sortie puis leur pose sur une chair
délicate n’en sera qu’une plus grande victoire. Pas forcément la mienne car l’empire
sur soi qu’elles demandent est surtout le signe d’un progrès majeur dans l’acceptation
de sa condition et de l’abnégation que l’on offre à l’autre. Elles trouveront
alors leur légitimité, quelques jours, semaines ou mois après que ce « pli
discret » ait été décacheté.
Finalement, pour l’usage de ces
instruments qui font mes délices et causent tant de tourments comme pour d’autres
moments, l’important n’est-il pas aussi de se tenir toujours prêt ?