Otis.
Même pas Redding. Même pas l’ombre
d’un quai de la Baie ou d’une fille. Même pas le second de Lex Luthor dans
les Superman de mon enfance. Même pas son prénom. Tout juste le nom d’une entreprise
apposé sur le torse d’une blouse de travail. Otis, appelons-le ainsi tout de
même, est dans nos locaux pour réparer les cabines d’ascenseur. Otis va et
vient au cours de la journée entre les différents niveaux, passant une partie
non négligeable de son temps convenablement harnaché et à califourchon au-dessus
d’une de ces cabines. Otis porte quasiment tout le temps son casque de
chantier, ses chaussures de sécurité et porte au bout des doigts les stigmates du
travail manuel que je n’aurai jamais, étant bien en peine de faire autre chose
que le plein et les niveaux sur ma vieille anglaise. Otis trimballe souvent
avec lui différents outils et instruments dont l’utilité et le maniement me
sont tout à fait étrangers. Otis et moi nous croisons et nous côtoyons sans nous
fréquenter. Ce ne sont pourtant pas les points communs qui nous manquent. Otis
et moi avons des collègues de travail, Otis et moi buvons le matin un café
avant de démarrer notre journée de travail, Otis et moi passons la plupart de
nos heures ouvrées au même étage… La litanie de ces comparaisons ridicules
pourrait continuer encore. Je n’ai jamais éprouvé le besoin de dire plus que « bonjour »
ou « bonne journée » à Otis et le soupçonne d’avoir à mon encontre à
peu près le même entrain. Otis fait donc partie de mon cadre professionnel
depuis ce début d’année et a priori jusqu’à l’été, si j’en crois le planning
affiché par son employeur éponyme, à l’instar de tout autre élément de décor.
Pourtant ce matin Otis m’a fait sourire.
Comme ça, en un instant et pour quelques secondes. Comme ça, en titillant sans
certainement y penser la moindre seconde, certains de mes instincts déviants
qui font interpréter nombre de choses de façon déraisonnable. Non pas avec sa
grosse clé anglaise ni avec ses chaussures de sécurité aux bouts élimés. Bien
plus simplement. Avec un paquet de collier de serrage.
Il est temps que les vacances arrivent. Là où les considérations mécaniques seront réservées au seul plaisir de sentir
les odeurs de mon vieux moteur et du cuir qui chauffent au soleil.
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